Depuis longtemps, certains producteurs de lait se doutaient de l’embrouille; oui, mais depuis ces dernières années, nombre d’entre eux ont investi dans leurs outils pour répondre à la demande « future » du géant chinois. Pour en arriver en 2018, une crise économique qui dure, des volumes qui engorgent le marché du lait entretenant un prix bas, des taux d’endettement records…
La soif de la Chine pour le lait français semblait ouvrir les portes d’un eldorado. Force est de constater que la réalité est bien moins idyllique, du moins pour les partenaires du chinois Synutra. Les coopératives Sodiaal et Les Maîtres laitiers du Cotentin en font l’amère expérience.
A Carhaix, dans le Finistère, les spéculations vont bon train sur l’avenir de l’usine de poudre de lait infantile quasi flambant neuve. Considérée comme l’une des plus grandes d’Europe, avec ses deux tours de séchage de 50 mètres, elle est la propriété de Synutra. Mais le drapeau de la République populaire de Chine flottera-t-il encore longtemps sur son fronton ? Pas sûr. Le partenaire de l’entreprise chinoise, la coopérative Sodiaal, négocie en effet une reprise de l’outil, en tout ou partie. Des discussions confirmées par un sociétaire de ladite coopérative.
Il reconnaît que les résultats du partenariat conclu entre Sodiaal et Synutra ne sont pas à la hauteur des attentes. Signé en septembre 2012, cet accord disposait que le chinois allait investir 90 millions d’euros dans la construction d’une usine de poudre de lait infantile à Carhaix.
De son côté, la première coopérative laitière française s’engageait à livrer 288 millions de litres de lait par an. Un volume fixe mais à un prix variable, indexé sur celui du marché intérieur français avec une ristourne de 10 à 20 euros la tonne, selon les producteurs (en 2017, Sodiaal a versé en moyenne 320 euros par tonne aux éleveurs). Elle devait aussi livrer de la poudre de lactosérum déminéralisé. Pour cette dernière production, qui entre dans la composition des poudres de lait infantile, Sodiaal lançait la construction d’une nouvelle unité à Carhaix.
Lors de l’inauguration de l’usine par Synutra, en septembre 2016, au moment où elle obtient son agrément pour l’exportation des poudres infantiles en Chine, le montant de l’investissement passe finalement à… 170 millions d’euros. Et le scénario ne se…