La fin des quotas laitiers est prévue depuis 1998 ; sans anticipation réaliste de la France laitière, la crise actuelle était donc prévisible.
La marque Leclerc s’est engagée à rémunérer les producteurs sur la base de 350€/1000 litres pour sa marque repère ; cette décision ne pourrait que nous réjouir si les marques distributeurs n’avaient que largement contribué à la situation actuelle. En effet, habituée à mettre la pression dans les négociations tarifaires, nous avons le sentiment que la grande distribution achète plutôt des prix que des produits.Par la guerre des prix, et la politique des promotions au nom du pouvoir d’achat des consommateurs, la distribution a réussi à mettre l’économie à genoux au détriment de la qualité, de la rentabilité économique, des emplois, de l’Agriculture. Or, dans toute guerre il y a de de la propagande et…des victimes.
Les Marques Distributeurs(MDD) sont devenus un outil de guerre économique alors qu’elles n’existent que grâce aux marques dont elles se nourrissent tout en les affaiblissant. Aussi privilégier la consommation de MDD reviendrait à accentuer la spirale infernale ôtant tout espoir de redressement aux producteurs. Les dernières décennies nous ont prouvé que la guerre des prix ne profite ni aux consommateurs, ni aux producteurs et que cette dernière n’est surtout pas le bon moyen pour équilibrer la répartition des marges entre les différents acteurs de la filière.
En effet, Les MDD profitent sans vergogne du marketing, de la recherche et développement, des amortissements des outils industriels des Marques et ce, en prenant relativement très peu de risques économiques ou financiers. Face à ces pratiques commerciales, les industriels n’ont aujourd’hui d’autres choix que d’aller chercher la plus-value ailleurs : chez le producteur. En résulte un prix unique payé au producteur français aligné sur le moins-disant à tel point que le prix du lait est totalement déconnecté de sa valeur finale.
Expliquons au consommateur que l’éleveur n’a plus la maitrise de ses produits high-tech une fois qu’ils sont sortis de sa ferme, même à un prix low-cost.
La détresse économique et psychologique des producteurs augmente en même temps que le lait perd ses lettres de noblesse. La baisse de la consommation de lait résulte d’une évolution des habitudes alimentaires, certes, mais nous voulonségalement d’une agriculture qui nourrisse sa population en lui offrant des produits de qualité à un prix raisonnable. Aussi, La qualité du produit final dépend des impératifs économiques de sa transformation.
Autrement dit, la pression du prix à la consommation a de lourdes conséquences sur la qualité du produit final dont la matière première est irréprochable.
On constate aujourd’hui en France un niveau d’exigence de qualité nutritionnelle, environnementale et d’hygiène élevé que les autres pays n’ont pas. Peut-on demander le plus aux éleveurs français alors que trop souvent on retrouve le moins dans les assiettes ? Clairement, non !
Le contrat tripartite proposé par Mr Leclerc peut être un moyen pour les producteurs de s’impliquer dans les relations commerciales. De là, ils cesseront d’être spectateurs d’un combat dont ils sont les seuls perdants.
La filière laitière française doit évoluer et c’est la fin du prix politique : tout produit a un prix qui dépend de la valeur de sa finalité (usage, image…) : le lait est riche, il a de multiples destinations qu’elles soient alimentaires, cosmétiques, pharmaceutiques… Les producteurs de lait doivent pouvoir réfléchir leur filière en chefs d’entreprise au même titre que les transformateurs laitiers ou les distributeurs, et ce afin de vivre décemment de leur production, au dessus de tous soupçons en réponse aux attentes de leur concitoyens. Mais la devise « bien nourrir pour mieux nourrir », s’est actuellement transformée par « Comment survivre pour nourrir ? ». Changeons Cela.