Villaines. Face à Lactalis, il incarne une agriculture qui résiste
Minés par la crise, les producteurs laitiers se défendent. À l’image de Jean-Michel Yvard qui préside une organisation rassemblant 1 500 indépendants. Et fait tout pour peser face au leader mondial du lait, Lactalis.
Peut-on encore vivre de l’agriculture ? Objectivement, Jean-Michel Yvard aurait toutes les raisons de baisser les bras. Les bons mois, il gagne 1 000 € à 1 500 € pour plus de 60 heures de travail par semaine dans son exploitation laitière à Villaines-la-Juhel (Nord-Mayenne), ses charges augmentent face à un potentiel de revenu qui dégringole une année après l’autre.
« La transmission de l’exploitation devient de plus en plus difficile. Nos parents et nos grands-parents avaient des petits revenus, mais en cédant leur ferme au moment de partir à la retraite, ils obtenaient un capital. Maintenant, les revenus restent faibles et le patrimoine est en baisse. »
70 vaches et des panneaux photovoltaïques
Jean-Michel Yvard est installé en Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun) avec Johnny Janvier. Ils n’ont pas de salariés, leurs femmes travaillent à l’extérieur et ils ont installé des panneaux photovoltaïques pour compléter leur revenu « pour la retraite » .
Sur leur ferme, Johnny et Jean-Michel élèvent 70 vaches, principalement des prim’holstein. « On est obligé de faire avec. C’est la race la plus productrice » , commente Jean-Michel avec pragmatisme. Mais il a conservé quelques normandes « par fidélité » à une race locale.
Indépendant des syndicats
Malgré un regard lucide sur l’avenir incertain de l’agriculture française, Jean-Michel Yvard continue de se battre avec passion. « Je défends une agriculture qui est capable de monter en gamme à condition de rémunérer l’agriculteur. »
Ces mots, il les porte à la tête de l’Organisation des producteurs Lactalis Grand Ouest (OPLGO), une association indépendante des syndicats qu’il préside depuis 2015.
Son lait sert à fabriquer l’emmental
Le camion de lait passe tous les deux jours dans la ferme de la Piétonnière. Avant de filer vers l’usine de Charchigné (Nord-Mayenne) où le lait servira à la fabrication de l’emmental. Sur son contrat avec Lactalis, la Piétonnière a un droit à produire de 595 000 litres par an. En juin 2018, les 1 000 litres sont payés 308 €.
Lactalis est-il bon payeur ? « Il est dans la moyenne » , estime Johnny Janvier. « Si le litre de lait nous était payé 5 centimes en plus, on vivrait bien. » Tout le problème est là. Mais comment changer les relations entre producteurs et industriels ? Pas simple quand on est un petit poucet face au gros industriel.
« La qualité de notre lait doit être reconnue »
« Aujourd’hui, nous faisons un produit haut de gamme vendu à un prix mondial, c’est-à-dire low-cost, résume le président de l’organisation. Or, moins de 10 % de notre lait va sur le marché mondial. La majorité va sur le marché français et européen. »
Jean-Michel Yvard veut que la qualité du lait soit reconnue à la « sortie de la ferme » , afin d’obtenir un juste prix. Pour cela, il faut « aller vers de nouveaux marchés comme le lait sans OGM. Lactalis peut le faire. Et nous, les agriculteurs, être son partenaire » .
Cela veut dire une organisation de producteurs forte, déterminée et inventive face au leader mondial du lait dur en affaires.